L’homophobie d’État est celle qui par les lois ou le manque
de celles-ci discrimine les homosexuels.
Nous pouvons estimer aujourd’hui que Le Canada est l’un des
rares pays au monde où l’homophobie d’État est nulle. Évidement, il n’a pas
toujours été ainsi. Il me semble intéressant de jeter un regard en arrière pour
mieux comprendre l’évolution des lois au Canada qui ont permit aux homosexuels
d’avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que le reste de la population.
Il est bien triste de constater que l’homophobie vécue dans
la société canadienne dans les rapports entre individus est loin d’avoir
disparu sans compter que certaines lois continuent d’être bafouées.
Il est important aussi de se rappeler qu’un changement de
gouvernement suffit pour remettre en cause certaines de ces lois pour lesquelles
nos ainées se sont battus.
Voici, donc un petit historique tiré de 4 documents
différents et que je vous propose en 3 volets.
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Ressources :
Selon les couleurs du texte
- La répression des homosexuels au Québec et en France. Du boucher à la Mairie de Patrice Corriveau. Éditions du Septentrion, (2007)
- Rappel historique de la condition homosexuelle. Centrale des syndicats du Québec. Comité des droits et des lesbiennes.
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1/3 Du 13ème siècle à la révolution tranquille
Avant le 13e siècle
L’Église catholique romaine bénit et célèbre les unions entre personnes de même sexe en
Europe.
Les
prêtres peuvent s’unir à un conjoint de même sexe sans que cela crée un
scandale. Avec les épidémies de peste qui sévissent en Europe au cours du XIIIe
siècle, l’Église catholique de même que la classe marchande vont prôner le
repeuplement de l’Europe. Cet évènement conjugué à la naissance du protestantisme,
qui menace le pouvoir de l’église, va contribuer à la transformation de la
doctrine catholique en matière de sexualité. À partir de ce moment, l’Église
catholique romaine considérera toutes pratiques sexuelles qui ne mènent pas à
la procréation et qui s’exercent hors des liens du mariage comme un péché
mortel. La contraception, la masturbation, l’homosexualité, pour n’en nommer
que quelques-uns, seront dès lors et jusqu’à présent considérées comme des
péchés mortels (1).
19e siècle
Le
gouvernement canadien criminalise les relations sexuelles entre les personnes
de même sexe, même si elles étaient vécues de manière consensuelle dans
l’intimité du foyer. En 1841, le Code criminel impose la peine de mort pour ce
crime, et par la suite, une sanction d’incarcération à vie jusqu’en 1954 (2).
Dès la fondation du Canada, en 1867, la sodomie est interdite et, en 1890, sous
l’influence de la législation britannique, le Code criminel canadien interdit
les actes de « grossière indécence » entre individus de sexe masculin (ce n’est
qu’à partir de 1953 que la même accusation pourra s’appliquer aux lesbiennes)(3).
De
1930 et 1950
Les homosexuels sont inculpés surtout pour
grossière indécence dans les endroits publics
De
1930 à 1939
les statistiques des Annuaires du Québec laissent par ailleurs entrevoir une forte
recrudescence des accusations et des condamnations pour sodomie et bestialité
au Québec. D’une moyenne annuelle de sept condamnations au Canada au début du siècle, la
moyenne annuelle provinciale oscille autour de quarante condamnations dans
les années 1930
Robert Demers
(1984, p. 794) attribue cette recrudescence des condamnations à
l’augmentation de la population canadienne ainsi qu’à l’augmentation des
poursuites intentées en vertu de la loi sur la grossière indécence entre
adultes consentants et dans le privé.
1930
29 condamnations pour sodomie au Québec
1931
20 condamnations pour sodomie au Québec
1932
31 condamnations pour sodomie au Québec
1933
44 condamnations pour sodomie au Québec
1934
25 condamnations pour sodomie au Québec
1935
25 condamnations pour sodomie au Québec
1936
65 condamnations pour sodomie au Québec
1937
56 condamnations pour sodomie au Québec
1938
66 condamnations pour sodomie au Québec
1939
34 condamnations pour sodomie au Québec
1946
113 condamnations pour sodomie au Québec
1947
70 condamnations pour sodomie au Québec
1948
En 1948, le célèbre Rapport Kinsey montre que 37 % des hommes états-uniens entre 16 et
55 ans ont eu au moins un rapport homosexuel ayant conduit à l’orgasme et
qu’environ 50 % d’entre eux ont déjà éprouvé un attrait sexuel pour un autre
homme. Paradoxalement, s’il conduit à une «normalisation» du phénomène homosexuel, le Rapport Kinsey sert aussi les intérêts de ceux qui s’attachent à
lutter contre ce type de comportement sexuel.
1949
55 condamnations pour sodomie au Québec
De
1950 à 1959
Influencé par cette montée du discours médical
dans la société, le système pénal canadien voit la science thérapeutique se
développer à toute vitesse à partir des années 1950.
Un véritable climat de censure sociale
s’installe autour de la question homosexuelle, devenue un tabou généralisé.
Taire le sujet pour le rendre invisible, telle est désormais la consigne des
médias. Il faut éviter que les homosexuels se reconnaissent entre eux. Cette
censure médiatique existe depuis la fin du XIXe siècle, l’Église
contrôlant la diffusion des publications qui traitent de l’homosexualité.
Benoît Migneault (2001, p.4), de la Division
des revues, journaux et publications gouvernementales du gouvernement du
Québec, constate que les publications s’adressant aux homosexuelles restent de
nature criminelle jusqu’à l’adoption du bill Omnibus en 1969. Lorsque les
journaux abordent la question de l’homosexualité, c’est de façon
unilatérale : négativement. L’homosexuel y est souvent décrit comme un
monstre violeur d’enfants ou un travesti.
Tant la presse à grand tirage, la presse à
sensation que les romans populaires renforcent les stéréotypes à l’égard de
l’homosexuel, notamment «ceux de l’homosexuel pédophile et de la lesbienne
séductrice de pauvres innocentes ». Ainsi la presse écrite se nourrit et
nourrit à son tour la panique sociale à l’égard de l’homosexualité.
D’après l’étude de Benoît Migneault (2001, p. 5)
sur les 157 articles à thématique homosexuelle entre 1952 et 1970, 25 %
relèvent d’affaires criminelles, 41 % d’affaires de mœurs et 34 % d’une
compréhension de cette réalité.
Malgré ce climat de persécution et de censure
qui perdure jusqu’au milieu des années 1960, la foulée industrielle de
l’après-guerre favorise la commercialisation de tous les types de désirs
sexuels. On assiste à la visibilité croissant de désir homosexuel. Les bars,
les saunas et les lieux de rencontre pour gais, tous se multiplient. En
contrepartie, une augmentation de la répression policière et judiciaire est
observable.
Encore une fois, l’utilisation des
statistiques pose problème. Le nombre des condamnations pour attentats à la
pudeur sur un homme – seul crime exclusivement homo-érotique – n’est disponible
que pour les années 1956 et 1957 : une seule accusation pour 1956 et 71
pour 1957. Cela s’explique par le fait que les statistiques des Annuaires du Québec n’incluent pas les
condamnations par procédure sommaire, lesquelles constituent fort possiblement
les cas les plus fréquents en matière de mœurs homo-érotiques car elles
permettent d’éviter des peines sévères et la visibilité associée aux procès.
De 1946 à 1959, le nombre de personnes
reconnues coupables de sodomie ou de bestialité s’élève à 1 162,
c’est-à-dire une moyenne annuelle d’environ 90 condamnés. Avec une
augmentation significative de la répression en 1954. De 97 condamnations en
1953, ce nombre augmente à 212 en 1954 et à 173 en 1955. Comment expliquer une
telle augmentation du nombre de condamnations? Cette recrudescence statistique
s’explique peut-être par la modification du Code criminel en 1954 en ce qui à
trait à la sodomie. Cette législation diminue les peines encourues pour ce type
de délits et ajoute les psychopathes sexuels dans la définition des criminels
dangereux. Deux hypothèses viennent à l’esprit : soit les juges se
permettent de punir davantage les accusés puisque les sentences sont moins
sévères, soit ce changement légal apporte avec lui un intérêt renouvelé pour ce
type de crime. Cette deuxième hypothèse paraît plus plausible car l’année 1954
correspond à une période de forte répression policière à Montréal.
Le cas de Montréal des années 1950 est
instructif. Selon Luther A. Allen (1998,
p. 92) et Ross Higgins (1999), l’augmentation de la répression policière du
milieu des années 1950 répond surtout à une demande de l’opinion publique et de
la classe dirigeante restées favorables à une intervention plus massive à
l’encontre des déviants sexuels. C’est dans ce climat d’indignation générale à
l’égard de l’immoralité que Jean Drapeau est élu maire de Montréal en 1954. Il
promet notamment de lutter contre ce fléau social qu’est l’homosexualité. Après
son élection, le nombre d’arrestations et de descentes policières augmente de
façon draconienne.
Le procureur en chef de Montréal, Jacques
fournier, avoue lui-même que cette augmentation est due à la prise de «mesures
nécessaires» pour se débarrasser des homosexuels dans le parc du Mont-Royal. La
police montréalaise élabore alors des stratégies en vue de préserver l’ordre
moral et social. Parmi celle-ci, Luther A. Allen (1998, p. 91-92) souligne
l’utilisation de provocateurs pour
piéger les homosexuels. Cela rappelle l’utilisation des «mouches» dans la
France des XVIIe et XVIIIe siècle.
Plusieurs de ces arrestations s’effectuent en
vertu du délit d’action indécente
(art. 158a). Contrairement aux crimes de
grossière indécence, qui se limite aux actes sexuels commis entre deux
personnes du même sexe et de concert, ce crime n’oblige pas l’établissement
d’une preuve entre les individus. Les peines prononcées sont relativement
«légères», cela encourage également la majorité des accusés à plaider coupable.
En plus d’obtenir une peine plus douce, généralement celle l’amende, ils
évitent la publicité qui entoure les procès. Cette explication s’applique à la
grande majorité des accusés de grossière indécence. Mieux vaut taire ce type de
crime.
Cette
répression policière se poursuit tout au long des années 1950 et 1960. John
Swatsky (1980, p. 126) révèle que la Gendarmerie royale du Canada
classifie spécifiquement les homosexuels afin de les surveiller plus
attentivement.
1950
68 condamnations pour sodomie au Québec
1951
87 condamnations pour sodomie au Québec
1953
73 condamnations pour sodomie au Québec
Le
gouvernement canadien adopte un amendement à la Loi canadienne sur
l’immigration qui interdisait aux homosexuels étrangers d’entrer au Canada. Le
parlement canadien ne lèvera cette interdiction qu’en 1977.
1954
97 condamnations pour sodomie au Québec
1955
173 condamnations pour sodomie au Québec
1956
135 condamnations pour sodomie au Québec
1957
117 condamnations pour sodomie au Québec
1958
68 condamnations pour sodomie au Québec
1959
104 condamnations pour sodomie au Québec
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