Si ce projet ne devait
jamais voir le jour, je serai très déçu. Certes, pas seulement pour moi, mais
aussi pour tous ceux qui auront donné de leur temps, leur énergie et leur enthousiasme
pour qu’il voit le jour. En revanche, je n’aurai aucun regret car, réaliser ce
projet m’aura permis de découvrir et d'assimiler une foule de nuances entourant
les différentes formes d’homophobie et comment elles interagissent dans nos
sociétés. Ces nuances sont le ciment qui me permet de mieux présenter le
contenu du projet afin qu’il soit le plus utile possible pour la lutte contre
cette homophobie source de tant de souffrances. Et au delà de l’homophobie,
d’autres discriminations qui fonctionnent sous les mêmes principes. J’espère
tout au moins que ce projet verra le jour bientôt et sera utile à la hauteur du
sérieux et de l’enthousiasme de tous ceux qui l’auront rendu possible.
Il m’arrive très fréquemment
de saisir des nuances supplémentaires, lors de mes rencontres avec des
personnes de tous milieux. Hier par exemple, à l'occasion d’un repas de
famille, le sujet du mariage pour tous, tant débattu en France présentement,
est venu dans la conversation.
Dans notre famille, ce
n’est pas un sujet conflictuel et tous les membres sont assez unanimes sur le
besoin d’égalité des droits des homosexuels. Ce n’est pas pour nous flatter
mais je pense sincèrement que mon compagnon et moi avons contribué à éclaircir les
idées et en tout cas, nous incarnons une réalité bien palpable.
C’est lors de cette
conversation qu'une personne, qui à l’évidence est d’accord pour l’égalité des
droits des homosexuels, prononce cette phrase qui résonne encore dans ma
tête : « Le problème avec les homosexuels vient du fait qu’une partie
d'entre eux sont des menteurs qui ne s’assument pas ». Cette idée n’est
pas nouvelle pour moi mais je ne l’avais jamais entendu formulée d’une manière
aussi concrète et affirmative. Cette personne s’est bien sûr expliquée. D’après
elle, si les homosexuels s’assumaient, la société les accepterait beaucoup plus
facilement. Elle nous parle d’une femme qu’elle connait et qui après une longue
période de vie de mariée, annonce à son mari et à ses enfants qu’elle est lesbienne.
Dans un cas de figure comme celui-ci, j'ai déjà entendu des réflexions comme :
« Elle fait bien de vivre enfin sa vie » ou « Elle a du courage
face au risque de se faire haïr par son mari et surtout par ses enfants »
ou encore « Elle a du bien souffrir tous ces années à se cacher et vivre
une double vie ». Mais le sentiment exprimé lors de cette conversation est
que cette femme n’aurait jamais du se marier. Elle aurait du avoir le courage de
s’assumer et ne pas se marier, alors qu’en se mariant, elle pouvait imaginer
qu’un jour ou l’autre elle allait faire souffrir sa famille et ses proches rendant
tout le monde mal à l'aise.
Ces commentaires
m’amènent à constater à quel point LES réalités des minorités sexuelles sont
méconnues y compris de ceux qui pensent ne jamais porter de regards homophobes.
Plusieurs questions se bousculent dans ma tête en même temps : Quel aurait
été le sentiment de culpabilité ressentie par quelqu’un dans la situation de
cette lesbienne et qui entendrait ce type de commentaires ? Ce sont les
homosexuels, eux-mêmes les responsables des comportements discriminatoires
dont ils sont victimes et ça serait donc à eux et seulement à eux d’y
remédier ? Peut-on sans la lumière de l’expérience de l’âge et de
l’évolution de la société jeter la pierre sur les décisions prises dans sa
jeuneuse ? Sommes-nous conscients aujourd’hui de ce que représentait il y
a 20, 30 ou 40 ans pour une femme, dire qu’elle était lesbienne et qu’elle
entendait vivre sa vie comme telle ? Sommes-nous capables d’évaluer, ne
serait –ce qu’approximativement le niveau de souffrance durant des décennies de
celles et ceux qui se sont senti obligés de « faire comme tout le
monde » à une époque où être homosexuel était considéré comme une maladie
mentale et/ou comme un délit ?
Évidement, je ne jette
pas la pierre à cette personne de ma famille ni à tous ceux qui pourrait penser
comme elle. Je constate tout simplement le travail pédagogique qui reste à
faire de la part de tous, homosexuels, comme hétérosexuels pour venir à bout
des idées reçues qui perturbent la bonne entente entre tous.
Je reste convaincu qu’un
effort reste à faire de la part de ceux qui ne s’assument pas comme de ceux qui
pensent avoir tout compris. J’espère que ce projet aidera modestement mais
efficacement aussi bien les uns que les autres.
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